Translate

dimanche 30 août 2015

Tenkara sur l'Itshiro

Il n'était que 7 heures 30 lorsque je rejoignais mon ami Kazumi "Ajari" Saigo à bord de sa voiture, cette journée commençait sous de bonnes augures; le ciel était parfaitement dégagé et d'un azur éclatant. Bien que les jours précédents aient été pluvieux et orageux nous espérions trouver des eaux claires sur l'Itoshiro où nous avions prévu de nous rendre avec un groupe d'amis. Nous roulâmes un peu plus de trois heures pendant lesquelles nous ferons  connaissance car jusqu'à présent nous ne nous connaissons qu'à travers le prisme d'internet. Nous parlerons bien sûr du tenkara et je me rendis compte avec satisfaction que nous en avions une idée vraiment très proche. 
Avant d'arriver à notre destination finale nous faisions un détour par la boutique de Hirata-san qui se situe à quelques pas seulement de l'Itoshiro car personne ne peut mieux que lui vous renseigner sur l'état de la rivière. 


C'était vraiment un moment des plus agréables de rencontrer le monteur de la Mamushi kebari en personne mais d'avoir aussi un aperçu de ses autres talents dont les oeuvres sont également des tamos et des lignes tressées en crin de cheval. Je profitais de cette occasion pour lui acheter quelques exemplaires de sa célèbre "Mamushi kebari". 


Arrivés à notre point de chute j'aurai le plaisir de rencontrer Akai Kitsune qui est vraiment quelqu'un de sympathique et un passionné de tenkara avec qui, j'allais m'en rendre, je partage beaucoup de points de vue sur cette pêche. Il a la chance de vivre au Japon et d'avoir rencontré beaucoup de pêcheurs très expérimentés et il a la bonne idée de documenter ces rencontres afin de participer à la conservation des différents savoir faire et techniques des anciens.


Notre conversation fût interrompue par l'arrivée d'un véhicule dont descendit un homme que tous les amateurs de tenkara connaissent au moins pour la célèbre kebari qui porte son nom: Hisao Ishigaki.
Si vous avez vu une de ces vidéos ou DVD et que vous pensez que ce pêcheur très expérimenté est très sympathique et ne se prend pas au sérieux , vous avez raison. C'est d'ailleurs pour cela qu'il a décidé de se faire appeler le "roi du tenkara"! Une façon amusante et salutaire de ridiculiser les pseudo-experts, les spécialistes auto-proclamés. 

Décision fût prise de scinder notre groupe en deux, je pêcherai avec Ishigaki sensei et les autres iraient plus en amont, je rejoignais donc mon guide à bord de son véhicule.
Nous continuions la conversation mais cette fois sérieusement et je ne fus pas vraiment surpris qu'Ishigaki sensei s'intéresse à ce qui se passe autour du tenkara en Europe, je pense même qu'il est content de voir que des pêcheurs Européens s'intéressent sincèrement au tenkara.
Nous arrivâmes à un temple, le Hakusan Chukyo Jinja, où Ishigaki sensei est habitué à venir quand il vient à la pêche sur l'Itoshiro. Le mont Hakusan est un des trois montagnes sacrées, avec le mont Fuji et le mont Tateyama, dans les croyances Japonaises et on se rend à ce temple pour rendre hommage aux montagnes. 
Quittant le temple Ishigaki sensei me demanda ce que j'avais demandé aux montagnes de m'accorder.
"Une bonne journée de pêche"
"Moi aussi"
Nous quittions l'endroit sans avoir le moindre doute à ce sujet.

Arrivés sur les rives de la rivière nous parlions de la théorie d'Ishigaki sensei sur la vision des poissons et il me tendit une de ces kebari et je la nouai à mon bas de ligne avant de lui remettre la canne. Ayant sérieusement étudié tout ce que j'avais pu trouver sur le sujet et visionné un nombre incalculable de fois ses vidéos je pensais avoir compris la technique d'Ishigaki sensei et j'allais maintenant avoir la chance de l'avoir en personne pour un cours particulier. 















Je fus un peu surpris quand le docteur me demanda pourquoi j'avais pris cette iwana. Je lui répondis que le poisson avait mordu parce que j'avais utilisé le bonne technique alors Ishigaki sensei me dit en riant "Non, c'est parce que utilises une kebari montée par le roi du tenkara!". Ces fameuses kebari sont des plus simples mais si elles sont utilisées par un pêcheur qui a compris qu'un seul montage peut pêcher dans toutes les couches d'eau elles peuvent faire des merveilles. Le tenkara est une pêche qui repose sur la technique du pêcheur et non sur le choix d'une mouche particulière. Une canne, une ligne, une mouche. 


Je pêchais le premier, Ishigaki sensei me suivait. Je pris rapidement ma première iwana de la journée, un superbe poisson aux flancs constellés de pois blancs. 


Elle fût suivie de nombreuses autres. Nous pêchions soit à tour de rôle soit l'un derrière l'autre, celui qui était devant pêchait vers l'amont et l'autre vers l'aval ce qui nous permit de prendre beaucoup de poissons sur des distances assez réduites. La technique de pêche vers l'aval d'Ishigaki sensei est des plus efficaces comme je m'en suis rendu compte. L'après-midi passa très vite et malgré la chaleur écrasante ce jour là nous passions un moment très agréable et nous constations avec enthousiasme que les dieux de la montagne avaient exaucé notre voeu. 


A cours de thé et satisfaits de notre pêche nous décidions de redescendre tranquillement la rivière jusqu'à la voiture. Chemin faisant nous discuterons du tenkara et je me rendis compte d'ailleurs que ce qui se passe en Europe, et aux Etats Unis, dans le domaine l'intéresse. Nous poursuivrons la conversation avec le groupe au complet lors d'un dîner à la belle étoile placé sous les auspices de la bonne humeur, de l'amitié et du tenkara. 
L'heure venue Ishigaki sensei nous quitta et je le remerciai d'avoir été mon guide pendant cette journée d'anthologie. Merci!




samedi 22 août 2015

Pêcher l'amago au tenkara avec Eiji Yamakawa et Nishi-san

Après une nuit réparatrice je pris la route de Totsukawa, dans la préfecture de Nara, pour y découvrir la pêche de l'amago en compagnie d'Eiji Yamakawa et de Nishi-san. Je n'avais pas de doute sur le fait que ça allait être une expérience réussie puisque j'avais la chance d'avoir pour guides deux membres du Harima Tenkara Club, des pêcheurs aguerris et qui connaissent cette vallée mieux que quiconque.


Nous arriverons aux abords de la Totsukawa après un peu plus de trois heures de route pour y trouver dans la vallée une rivière gonflée par les fortes pluies des jours précédents et ils nous faudra faire quelques kilomètres supplémentaires et prendre de l'altitude pour avoir l'opportunité de pêcher des portions de cette rivière avec un niveau d'eau plus élevé qu'habituellement en cette saison mais limpide.


Enfin descendus de la voiture nous prenions notre temps pour nous détendre et observer la rivière qui à l'endroit où nous étions arrêtés fait environ dix mètres de large et présente toutes les caractéristiques de la rivière parfaite pour pratiquer le tenkara et y trouver des amago: un courant puissant, une alternance de pools profonds et de courants peu profonds où l'eau est très bien oxygénée. Cela ne nous aurait servi à rien de nous presser, les amago ne peuvent vivre que dans les rivières et nous en avions une sous les yeux.
Arrivés sur les berges de la rivière je laissai Eiji-san et Nishi-san pêcher les premiers pour observer leur technique, bien sûr fidèle au principe du tenkara "Une canne, une ligne, une mouche", et celle-ci se montra efficace car les premiers amago furent pris assez rapidement. J'étais content pour eux mais Eiji-san me dit qu'avec la hauteur d'eau  sur cette portion la pêche allait être vraiment difficile aussi il prît la décision de nous faire remonter un peu plus en amont .


Nous reprendrons d'abord la route à pied puis un sentier forestier qui nous mena au sommet d'un improbable raidillon tracé par le passage des animaux de la forêt, serow ou sika, que nous allions emprunter pour accéder à la rivière. Nishi-san ayant eu un accident sur ce sentier escarpé il y a peu nous fît part de sa décision de ne pas nous suivre donc seuls Eiji-san et moi-même emprunterons ce sentier que les pluies abondantes avaient rendu, comme nous allions nous en rendre compte très vite, particulièrement glissant. Après une descente prudente nous arrivions au bord de la rivière et nous mettions en action, cette fois Eiji-san m'invita à prendre la tête et à pêcher devant lui.


Je pris mon premier amago après quelques lancers et j'en étais assez content car ce poisson n'est pas facile à atteindre vu qu'il se place toujours dans les endroits où le courant est le plus fort. Il faut donc ferrer très vite sans quoi la réussite n'est pas au rendez vous.
Cet amago relâché je remerciai Eiji-san de m'avoir emmené ici et de m'avoir permis de capturer ce poisson emblématique de cette région du Japon. L'amago est un salmonidé endémique de trois îles de l'archipel Japonais. J'en avais vraiment rêvé de ces petits points rouges!
Nous remonterons ainsi la rivière pendant près de trois heures, explorant un à un les courants les plus prometteurs et nous prendrons suffisamment d'amago pour y prendre beaucoup de plaisir.


Nous progressions dans une portion assez étroite et ombragée mais au fil des heures la température montait sérieusement, nous le sentions l'orage menaçait et les poissons aussi devaient le sentir car la fréquence des captures allait en diminuant. Quelques amago s'activaient encore au passage de nos kebari et nous profitions de ce sprint final avec enthousiasme.



Nous finirons par arriver en aval d'un pool très profond bien alimenté en eau fraîche et riche en oxygène où nous observions de nombreux amago postés en attente d'insectes et c'est là que je prendrai le dernier amago de la journée.
Se débattant comme un diable au bout de ma ligne il mît tous les autres en alerte et il ne nous laissa que la solution de replier nos cannes et de les observer un moment avant de redescendre vers le point où nous avions accédé à la rivière. 


Si la descente de ce sentier fût périlleuse la remontée fût exténuante et arrivés au sommet nous levions les yeux et constations que le ciel s'était vraiment noirci et que l'orage allait éclater d'ici peu. Nous arriverons à la voiture où nous attendait Nishi-san sous une pluie battante utilisant la voûte de branches d'un châtaignier en guise de parapluie jusqu'à ce qu'une accalmie arrive. La pêche avait été bonne malgré un niveau d'eau élevé et nous partagions nos impressions sur cette excellente journée que nous avions passé ensemble tout au long de la route qui nous ramenait à Kobe.
Arrivé à la gare d'où je devais repartir vers Kyoto je saluai chaleureusement mes amis qui m'avaient permis de réaliser un rêve qui peut paraître banal mais qui m'était cher: pêcher l'amago au tenkara.
Merci!


samedi 15 août 2015

Deux jours avec un ambassadeur du no-tarin club

Après avoir quitté Kyoto je me rendais à Sannomiya où je devais rencontrer un membre du plus ancien club de tenkara: Kiyoshi Ishihara, membre du no-tarin tenkara club.
Nous nous retrouvions comme prévu à la gare et après un rapide repas dans un restaurant du quartier nous prenions la route pour aller à la pêche dans la préfecture de Tottori. Nous avions un peu plus de trois heures de route à faire, assez de temps pour faire connaissance car pour l'instant on ne se connaissait que virtuellement et parler de notre passion. Il faisait très chaud, le ciel était bleu azur et nous étions évidemment d'humeur joviale.
La conversation fût très riche et des plus intéressante car Yu Gyojin, le pseudonyme de pêche de Kiyoshi, s'intéresse depuis très longtemps à l'histoire du tenkara, à sa technique qu'il a apprise d'abord en étudiant tout ce qui était publié sur le sujet et il a développé une vraie philosophie en adéquation avec son tenkara. 
A mesure que nous roulions le ciel s'assombrissait mais cela n'entamait en rien notre enthousiasme, nous étions non seulement heureux d'aller à la pêche ensemble mais en discutant nous nous rendions que nous partagions de nombreux points de vue.



Avant d'arriver à destination nous ferons un léger détour par un très beau et très ancien temple construit dans une grotte, un endroit des plus atypiques. La météo quant à elle continuait à se dégrader et les derniers kilomètres faits avant d'arriver sur les berges de l'Hiketa-sawa les premières gouttes de pluie commençaient à tomber. 


Je laissai Ishihara-san pêcher le premier car je pense que ce n'est jamais inutile de regarder un pêcheur plus expérimenté que soi. On en apprend beaucoup quand on sait regarder. 


Il ne lui fallut pas longtemps pour prendre un premier poisson. Nous étions évidemment contents de constater que la météo capricieuse ne perturbait pas trop les poissons. Nous pêchions à tour de rôle car la rivière n'est pas bien large et très souvent surplombée par des branches et nous avancions ainsi en remontant le courant lentement pour bien exploiter tous les postes susceptibles d'abriter des yamame.


Nous arriverons ensuite au point où avec l'altitude le courant augmente, où l'eau est plus froide et les yamame laissent place aux iwana.


L'iwana se pêche différemment du yamame et de l'amago ce qui n'implique évidemment pas de changer quoi que ce soit au niveau du matériel ni même de kebari, c'est la technique mise en oeuvre par le pêcheur qui s'adapte. Ce que j'avais appris quelques jours auparavant à Tadami me fût particulièrement utile. 



Au fil des heures nous passions de plus en plus de longues minutes à l'abri des feuillages pendant les averses et nos captures d'iwana étaient aussi moins régulières. La tension dans l'air était palpable, le ciel était en train de virer du gris clair au gris foncé alors quand sonna la premier coup de tonnerre nous décidions de replier nos cannes et de rejoindre la voiture. Revenu à notre point de départ sous une pluie battante Ishiara-san me dit: "On a bien joué." J'étais entièrement de cet avis, le jeu en valait la chandelle. Après nous être changés le plus vite possible nous reprenions la voiture pour nous rendre au ryokan où Ishihara-san a ses habitudes dans la région en faisant le bilan de cette sortie des plus orageuses mais durant laquelle nous avions très bien pêché. 
Au ryokan où nous fûmes accueillis chaleureusement par la maîtresse de maison, nous passerons une excellente soirée qui fût consacrée entièrement à un seul sujet: le tenkara. Ishihara-san a une excellente et très riche culture halieutique et il n'est pas avare de ce qu'il sait et je dois dire que j'ai vraiment apprécié cohabiter avec lui. 
Au ryokan où nous fûmes accueillis chaleureusement par la maîtresse de maison, nous passerons une excellente soirée qui fût consacrée entièrement à un seul sujet. Ishihara-san a une excellente et très riche culture halieutique et il n'est pas avare de ce qu'il sait et je dois dire que j'ai vraiment apprécié cohabiter avec lui. 


Nous nous laisserons tombés dans les bras de Morphée sans opposer la moindre résistance...Peut-être dans l'espoir de rencontrer dans notre sommeil le tsuchinoko. 
Le lendemain nous nous lèverons à l'aube mais prendrons le temps d'un petit déjeuner délicieux car il pleuvait déjà. Nous établissions notre plan pour la journée: pêcher deux courts affluents  de la Hatto-gawa car Ishihara-san craignait que les pluies de la veille et encore plus celles de ce matin aient mis les principales rivières de la région dans un sale état. Nous avions au moins un plan "A" et un plan "B". Ce fût donc sans surprise une journée de pêche où les captures furent moins nombreuses que la veille mais c'est toujours un exercice devant lequel un véritable amateur de tenkara ne se dérobe pas de composer avec des conditions difficiles. C'est même le meilleur moyen d'améliorer sa technique.



Après avoir exploré la Hosomi-sawa et la Kurumino-sawa et avoir pris quelques très belles iwana nous prenions la décision de rebrousser chemin. Nous reprenions le route en début d'après-midi sous une pluie battante pour aller à Kobe où nous étions attendus, chemin faisant nous discuterons de nombreux sujets ayant trait au tenkara, à la musique, etc. J'ai beaucoup de sympathie pour Ishihara-san qui n'est pas seulement un grand pêcheur mais quelqu'un de très cultivé et d'une gentillesse rare. Au bout d'un peu plus de quatre heures de route nous arrivions à destination où je rencontrai pour la première fois Eiji Yamakawa et Nishi-san, un de ses amis.


Nous passerons une excellente soirée autour d'une table à discuter de la passion qui nous avait réuni.
C'est vraiment un privilège de rencontrer de sincères passionnés de tenkara, qui ont acquis au cours d'une longue expérience énormément de connaissances sur le sujet et qui sont, même si ils n'aiment pas ce titre, des maîtres qui prennent un plaisir sincère à partager leur tenkara. 

lundi 10 août 2015

Ma rencontre avec le père du tenkara moderne

Après avoir quitté Yamano-san je me rendais à Kyoto que je visiterai en partie sous des orages ce qui n'enlève rien à l'intérêt de l'ancienne capitale. Pour visiter la ville au sec et tranquillement je faisais donc les visites des sites qui m'intéressaient tôt le matin et tard dans la soirée après la fin de la pluie. La saison des pluies a été plus longue que d'habitude cette année et il a fallu composer avec les aléas météorologiques pendant ce séjour. J'avais la chance d'avoir un pied à terre à proximité immédiate des sites les plus intéressants donc je n'allais pas laisser la pluie m'arrêter. 


Après deux jours consacrés à la visite de la ville et à faire connaissance avec quelques uns de ses habitants je rejoignai Hashimoto Yoshiaki, un membre du Harima tenkara club sur le quai de la minuscule gare de Toji-in.


Après quelques minutes en voiture nous arrivions dans un quartier résidentiel où nous attendait une personne que j'allai enfin avoir l'opportunité de rencontrer grâce mon ami Eiji Yamakawa qui le connaît depuis de nombreuses années: Hiromichi Fuji.
Fuji-sensei nous invita à le suivre dans son atelier où nous commencerons par faire connaissance en buvant un excellent café noir. Je fus d'ailleurs un peu surpris qu'on me propose du café. La conversation était chaleureuse, décontractée et très naturelle car Fuji-sensei est la gentillesse faite homme. 


Comme nous discutions des lignes qu'il fabrique encore aujourd'hui pour Nissin je lui fis remarquer que ses lignes, comparées à toutes celles que j'ai essayé jusqu'à présent, étaient les seules qui me semblaient se différencier les unes des autres, les seules lignes dont on puisse dire qu'elles ont une action. Fuji-sensei me demanda si ça m'intéresserait de le voir fabriquer quelques lignes et d'avoir ses explications à chaque étape du processus, cela serait bien plus intéressant qu'un long et ennuyeux exposé théorique. J'acceptais évidemment volontiers! 

Tout d'abord la machine utilisée par Fuji-sensei est unique, elle ne ressemble à aucune machine à faire des lignes de tenkara existante ailleurs, et cela pour une raison simple: il l'a conçu lui-même. 


Avec les explications claires du maître j'apprenais sa façon de faire des lignes de tenkara qui puissent avoir des actions différentes. Je ne décrirai pas ici ce procédé en détail car ce n'est pas à moi de le faire mais à Fuji-sensei qui le moment venu, si il le décide, fera le nécessaire pour que son savoir faire soit transmis. J'ai en tout cas compris grâce à lui comment il avait mis au point un panel de lignes qui soient parfaitement compatible avec le sutebari, des lignes faites pour des lancers délicats quelque soit la longueur de la ligne utilisée. 
Après avoir fabriqué deux lignes Fuji-sensei nous proposa de les essayer, proposition que nous acceptions évidemment. Nous avions prévu d'aller à la pêche ensemble le lendemain de cette rencontre mais malheureusement Fuji-sensei se cassa le poignet lors d'une sortie de pêche quelques jours avant mon arrivée au Japon. Ce fût un grand moment évidemment de voir le père du tenkara moderne lancer de sa façon si particulière devant moi et de recevoir ses conseils. Fuji-sensei n'est pas seulement un excellent fabricant de lignes, un designer de cannes qui a fait évoluer le tenkara, c'est aussi un excellent pédagogue qui sait se faire comprendre malgré la barrière de la langue. La photo ci-dessous est le parfait exemple d'un lancer raté avec la projection de l'avant bras qui a pour inévitable résultat une ligne qui ne permet pas le déploiement correct du bas de ligne et dont la pointe percute la surface de l'eau. 


Fuji-sensei me demande d'abord de reproduire ce mauvais lancer puis me montra la bonne façon de lancer c'est à dire en limitant le fouetté de la canne et ne projetant pas le bras et là je compris immédiatement pourquoi ces lignes étaient vraiment uniques. Que sa ligne fasse 3,60 mètres ou 5 elle se déploie aussi délicatement, il n'a nulle besoin de manipuler sa canne différemment pour obtenir ce résultat. Ces lignes sont le résultat de plusieurs décennies d'amélioration, il n'y a rien d'étonnant à ce qu'elles soient les meilleures qu'on puisse utiliser.
C'était un moment mémorable de le voir lancer de sa façon si particulière mais parfaitement adapté à sa technique. Moi-même et Yoshiaki-san prenions le relais sous l'oeil avisé du maître. Nous fûmes interrompus par la pluie qui redoublait et décidions de rentrer. 


De retour dans l'atelier la conversation reprit et nous arrivions rapidement sur le montage de kebari. Fuji-sensei n'est pas seulement un designer de cannes, un fabricant de lignes d'une qualité rare il est aussi un excellent monteur de mouches qui aujourd'hui encore monte lui-même toutes les kebari vendues par Nissin.  


Fuji-sensei fût le premier à passer derrière l'étau, inutile de vous dire qu'on sait immédiatement qu'on a affaire à un monteur très expérimenté. Le montage d'une kebari est très rapide mais c'est le fruit d'une économie de gestes. Hashimoto-san et moi-même prendront ensuite place derrière l'étau du maître et après chacun des trois modèles différents dont nous avons monté un exemplaire chacun nous discuterons de l'utilisation que nous pouvions en faire.


Quand ce fût mon tour de m'installer derrière l'étau du maître je constatai que celui-ci était fixé sur la table dans une position très basse mais une fois que je commençai à monter la première kebari je compris que cette position qui ne laisse que peu d'espace sous l'étau est un bon point pour éviter tous les gestes inutiles.


Nous passerons ainsi une partie de l'après-midi à monter des kebari à tour de rôle en partageant nos points de vue sur l'évolution des kebari à travers les décennies, les techniques de sasoi et bien d'autres sujets ayant trait à notre passion. C'est toujours enrichissant de rencontrer des pêcheurs très expérimentés qui ont su rester simples et fidèles à eux-mêmes. C'est d'ailleurs à cela qu'on reconnait les vrais grands. Vers dix neuf heures nous quittions l'atelier de Fuji-sensei pour nous rendre dans un restaurant du quartier où nous continuerons la conversation autour d'une table. 
Je ne remercierai jamais assez Fuji-sensei de m'avoir accueilli chez lui et d'avoir eu la gentillesse de partager avec moi ses connaissances.